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Médicaments génériques en Inde : campagne de MSF contre Novartis

Le procès du laboratoire Novartis contre l’Inde, qui refuse de lui accorder un brevet pour le mésylate d’imatinib (

Glivec®), s’ouvrira le 22 août prochain. En jeu: l’accès de millions de personnes dans les pays défavorisés aux médicaments génériques fabriqués à bas coût en Inde. L’association Médecins Sans Frontières (MSF) appelle à la mobilisation “pour demander à Novartis de stopper ses attaques contre les génériques“.

MSF relance la mobilisation contre Novartis.

Les génériques peuvent être fabriqués s’il n’y a pas de brevetL’industrie pharmaceutique protège ses médicaments par des brevets dans les différents pays où elle les commercialise. Cela leur permet de financer l’innovation et d’exiger un prix élevé, puisqu’il n’y a aucune concurrence.Par contre lorsque le brevet vient, au bout de 20 ans, à expiration, les génériqueurs peuvent les fabriquer et donc faire chuter les prix (concurrence), ce qui permet d’élargir l’accès aux médicaments.L’Inde, “hors la loi“ jusqu’en 2005

L’Inde, jusqu’en 2005, n’accordait aucun brevet, ce qui lui a permis de multiplier les génériques de produits encore protégés ailleurs, et donc, par exemple, de fournir une grande partie des médicaments contre le sida dans les pays en voie de développement, notamment les formes récentes développées pour les enfants.  L’Inde est du coup devenue la “pharmacie du monde en développement“, ce qui a été particulièrement utile pour enrayer les ravages liés à l’épidémie de sida. MSF souligne que “la concurrence entre fabricants de génériques a permis la chute des coûts des traitements antirétroviraux, passés de 10 000 $ US par patient et par an en 2000 à 150 $ à l’heure actuelle“. Des brevets indiens accordés depuis 2005… seulement si les médicaments sont “innovants“

En 2005, pour respecter les règles de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), l’Inde s’est dotée d’un Accord sur les droits de propriété intellectuelle liés au commerce (ADPIC) et s’est donc mise à accorder des brevets sur les médicaments, restreignant les possibilités de génériquage pour les nouveaux produits.Mais seuls les médicaments véritablement innovants, ou dont la nouvelle forme a fait preuve d’une efficacité nettement supérieure, peuvent obtenir un brevet indien.Selon MSF, de nombreuses études montrent que les laboratoires innovent de moins en moins, “au profit d’une augmentation du nombre de médicaments qui ne sont que de simples imitations ou succédanés sans aucune ou peu de supériorité thérapeutique“. Ces imitations (changement d’un ou deux composants sans modifier, ou presque, les propriétés du médicament) sont en général commercialisées lorsqu’expire le brevet du médicament innovant original, au bout de 20 ans. Ce qui leur octroie un nouveau brevet et donc l’impossibilité de génériquer cette copie améliorée. C’est ce que les Anglo-saxons appellent l’“Evergreening“  (renouvellement perpétuel). Explications en images :

La législation indienne ne reconnaît donc pas le caractère innovant de ces produits, qu’elle juge destinés davantage à augmenter les profits qu’à améliorer la santé publique.L’Inde rejette la demande de brevet du Glivec ®

Le Glivec ® est un médicament anticancéreux commercialisé dans de nombreux pays. Il s’agit d’un sel (mésylate) d’un médicament breveté en 1993, l’imanitib. Novartis estime que cette forme modifiée, brevetée en 1998, augmente de 30 % la quantité de produit qui va agir dans l’organisme, ce qui justifie un brevet spécifique (et donc un prix très élevé, 10 fois supérieur à celui du générique indien).Mais l’Inde, comme l’OMS d’ailleurs, considère qu’augmenter la biodisponibilité avec une “forme sel“ est juste de l’evergreening, et donc que cela ne mérite pas d’être protégé. En janvier 2006, l’Office indien des brevets rejette donc la demande du laboratoire Novartis “aux motifs que ce produit n’était qu’une variante d’un vieux médicament“, rappelle MSF 

dans une liste de questions-réponses.Novartis estime que le Glivec ® devrait être protégé jusqu’en 2018 et conteste donc cette décision en justice. Novartis exerce un recours, en 2006, devant la Haute cour de Madras pour faire déclarer inconstitutionnelle la loi excluant la brevetabilité des produits insuffisamment innovants.Suite au rejet de ce recours en 2007, Novartis lance en 2009 une nouvelle procédure devant la Cour suprême de l’Inde. L’examen de cette procédure débutera le 22 août prochain et est la raison du nouvel appel à la mobilisation de MSF :

En cas de succès de Novartis…

Si Novartis gagne ce procès et que la loi est modifiée, de nombreux laboratoires pourraient lui emboiter le pas et demander à faire breveter leurs nouveaux produits, innovants ou non, en Inde, qui ne pourra alors plus les génériquer. Les génériqueurs des produits nouvellement brevetés devront stopper immédiatement  leur production, “sous peine de s’exposer à des actions en contrefaçon de brevet“, précise MSF. Cela posera par exemple problème pour les antirétroviraux pédiatriques, formes récentes de médicaments des années 90, qui pourraient donc être interdites aux pays pauvres…Novartis soutient que des accords internationaux permettront tout de même de maintenir l’accès aux “médicaments essentiels et vitaux, au travers des accords tarifaires spéciaux dans les pays en développement“. Mais MSF remarque que cela dépendra “du seul bon vouloir des entreprises pharmaceutiques“, alors que seule “une concurrence sans entrave des génériques“ peut faire baisser les prix des médicaments “jusqu’à un minimum acceptable“.MSF souhaite donc alerter l’opinion mondiale sur cette attaque. L’association invite le grand public à relayer leur campagne – vidéos ci-dessus et informations reprises en partie dans cet article- sur Twitter, avec le hashtag

#STOPnovartis , sur Facebook, par email et sur Avaaz via

leur plate-forme de mobilisation en ligne.Les laboratoires pourront-ils protéger leurs innovations, quitte à priver certaines populations de médicaments récents ? Une telle décision ne manquerait pas de susciter l’indignation, alors même que le traité international anti-contrefaçon (ACTA), qui menaçait également les génériques indiens,

vient d’être rejeté par le Parlement Européen…Jean-Philippe RivièreSources : – “Le régime des brevets en Inde et l’affaire Novartis : Questions/Réponses“, MSF, 21 juin 2012,

accessible en ligne- “Ce que prétend Novartis… et pourquoi c’est faux“, MSF, 21 juin 2012,

accessible en ligne- “Novartis, les brevets et la loi indienne“, MSF, mars 2012,

article et vidéo sur le site de MSF- “Stop Novartis“,

plateforme de mobilisation en ligne de MSF- “Les députés européens rejettent l’Acta“, europe1.fr, 4 juillet 2012, article

accessible en lignePhoto : manifestation contre Novartis, New Delhi, 2007, © Saurabh Das/AP/SIPAClick Here: cd universidad catolica

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