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Les victimes des essais nucléaires français enfin indemnisées ?

L’Assemblée Nationale a enfin adopté le projet de loi sur la reconnaissance et l’indemnisation des essais nucléaires français. Les pathologies liées formellement à ces irradiations, au Sahara comme en Polynésie, devraient donc bientôt être indemnisées, à condition que le Sénat entérine définitivement ce texte. Une enveloppe de dix millions d’euros est prévue.

Depuis des années, les civils et militaires, dont la santé a été mise en danger par l’un des 4 essais nucléaires français pratiqués dans le Sahara algérien ou l’un des 10 en Polynésie française (comme l’a reconnu l’Etat en 2006), demandaient une reconnaissance et une indemnisation du préjudice subi (ils n’avaient pas à l’époque été prévenus des risques encourus).Parmi les principales avancées de ce texte, la reconnaissance du droit à l’indemnisation de ces personnes souffrant de pathologies radio-induites, dont la cause est par défaut liée aux explosions tests de bombes nucléaires. C’est donc le ministère qui doit apporter la preuve éventuelle d’une absence de lien, et non plus à la victime de prouver que ses problèmes sont bien dus au nucléaire. Les personnes atteintes devront tout de même “justifier de leur séjour dans une zone concernée au moment des essais“ auprès d’un comité national d’indemnisation comportant 19 membres (dont 5 associatifs), comité qui prendra ses décisions au cas par cas. La liste des maladies radio-induites sera celle établie par les experts de l’Onu.

Le ministre de la Défense, Hervé Morin, à qui reviendra la décision finale de l’indemnisation, s’est dit “heureux et fier que l’engagement du Gouvernement ait été tenu“. Il estime qu’aujourd’hui, “la France est grande dans la reconnaissance“ et “peut enfin clore sereinement un chapitre de son histoire“.De son côté l’opposition parlementaire, par la voix de Maxime Gremetz (parti communiste), s’est également réjouie des avancées de ce texte, mais souligne néanmoins le fait que l’Etat est juge et partie, ayant été à l’origine des troubles et ayant la décision finale d’indemnisation entre ses mains. Le député communiste a également soulevé le fait que les zones géographiques concernées par les retombées nucléaires ont été définies par cette loi de manière trop restrictive, diminuant les surfaces concernées par rapport à un précédent travail parlementaire effectué en 2002.Le parti socialiste et son représentant, Mr Jean-Patrick Gille, s’inquiètent également, en sus des points soulevés par Mr Gremetz, d’une possible réintroduction “d’une notion de seuil, voire de dosimétrie“ qui écarterait de l’indemnisation des personnes jugées comme trop peu exposées. Le PS déclare qu’il sera également très attentif au projet de décret qui fixera la liste des pathologies. Enfin, il déplore que “les conséquences néfastes pour les descendants“ de ces maladies ne soient pas prises en compte.Liste de maladies et zones géographiques discutables, “concentration autour du ministre, de l’Etat“, création d’une simple possibilité d’indemnisation et non d’un véritable droit (comme l’a regretté Mr Guillaume Garot, député socialiste et rapporteur de ce projet de loi) sont les limites d’un projet de loi néanmoins voté par la majorité du Parlement. Ces réserves de l’opposition parlementaire sont aussi le reflet du scepticisme des associations. A Tahiti, une manifestation a d’ailleurs réuni le 20 décembre 2000 personnes qui s’inquiètent des modalités d’application de cette loi.Néanmoins, ce texte devrait permettre d’enclencher les premières indemnisations : Jean-Paul Delevoye, le Médiateur de la République, “espère une parution rapide des décrets d’application et souhaite que ceux-ci garantissent le fonctionnement indépendant du comité d’indemnisation et prennent en compte l’ensemble des pathologies concernées“. Ce premier pas représenterait déjà une avancée majeure, après des décennies de sourde oreille gouvernementale et de dénégation sur les effets radio-induits pourtant évidents et attendus…Jean-Philippe Rivière
Sources :
– “Reconnaissance et indemnisation des victimes des essais nucléaires français“, discussion et vote du texte de la Commission mixte paritaire, Assemblée Nationale, 22 décembre 2009,

retranscription de l’intégralité des débats accessible en ligne – “Dialogue de sourds à deux jours du vote“, La dépêche de Tahiti, 21 décembre 2009,

accessible en ligne- “Essais nucléaires français : Le Médiateur de la République salue l’adoption d’un dispositif d’indemnisation des victimes“, communiqué de presse, 23 décembre 2009,

accessible en ligne
Photos :
– Un des derniers essais nucléaires français, sous-marin, effectué à Mururoa, le 27 octobre 2005, copyright SIPA.- Hervé Morin, copyright TSCHAEN/SIPA

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